Edito Novembre 2O25

Du dortoir à la gloire

Vous connaissez tous, au moins en image, la célèbre basilique Saint-Pierre de Rome. Mais savez-vous qu’elle est construite sur une immense cité des morts ? Dans l’antiquité, on appelait cela une nécropole – littéralement : ville des morts -. En effet, quand saint Pierre souffre son martyre dans le cirque de Caligula, à peu près à gauche le long de l’actuelle basilique, celui-ci jouxte une immense cité s’étendant jusqu’au Tibre, composée de rues, longées par de petites maisons accueillant les dépouilles des trépassés de familles romaines. L’inhumation se fait dans des linceuls, enfermés dans des niches (loculi), ou des sarcophages, mais on y trouve également de nombreuses urnes funéraires contenant des cendres. En plein milieu de cette cité, un petit lopin de terre appartient probablement à un chrétien, ou est acheté par la communauté. C’est ici qu’on enterre, dans une pauvre tombe, le chef des Apôtres, notre premier pape. L’endroit est décrit par Gaïus, un prêtre pèlerin, durant le II° siècle. Sur la tombe, fermée par un petit toit de dalles, un modeste monument a été érigé, ressemblant à un autel. Lors de fouilles pendant la guerre sous le pontificat de Pie XII, les archéologues découvrent tout, comme le décrivait Gaïus.

L’empereur Constantin voulut bâtir la basilique à l’endroit précis du tombeau, ce qui posait des problèmes techniques colossaux, en raison de la forte pente de la colline du Vatican. Et pourtant, il persévéra, se mettant à dos, les familles propriétaires du lieu, qu’il avait fait ensevelir pour constituer une plateforme sur laquelle construire la basilique qui durera jusqu’à l’orée du XVI° siècle, date du début de construction de celle que nous connaissons. Par cet acte, l’empereur faisait passer le lieu de nécropole à… dortoir ! En effet, nos cimetières sont des dortoirs, comme l’indique l’étymologie du mot. C’est pourquoi le lieu de sépulture de nos proches ne nous parle pas tant de tristesse que d’espérance. Pour ma part, j’aime bien les cimetières, propices à la méditation, quand les ifs nous montrent de leur pointe effilée la direction du ciel. Quand nous les arpentons dans la prière, ils nous murmurent le message de paix du Ressuscité dont nos chers défunts attendent le triomphe achevé par la résurrection de leur corps. Ils sont l’assemblée des morts qui s’adresse aux vivants, comme une épitaphe vue un jour sur une tombe : « Toi qui lis, souviens-toi que j’ai été ce que tu es, et que tu seras ce que je suis ». Certes, ceci nous rappelle un peu brutalement les limites de notre condition et notre finitude. Il faudrait la compléter par cette phrase de saint Jean : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est » (1Jn 3, 2).

Chers Frères et Sœurs, en ce mois de novembre, n’oublions pas de prier pour les défunts, ceux de nos familles, bien sûr, mais également ceux qui n’ont personne qui prie pour eux. L’Eglise nous y encourage, particulièrement en la semaine après la Toussaint. Le plus beau signe d’espérance et d’amour que nous pouvons poser est d’offrir des intentions de Messe pour eux, car nous les plongeons ainsi dans le Sang précieux du Seigneur Jésus immolé sur la Croix, seule source du salut. Et de même, durant cette période, nous prions également en nous engageant dans la conversion par la confession, en communiant, et en priant aux intentions du Saint-Père, dont la fête patronale tombe d’ailleurs le 10 novembre. Ces trois actions de foi obtiennent, par la Miséricorde divine confiée à la gérance de l’Eglise, la rémission de toutes les conséquences des péchés pour qu’une âme soit délivrée du purgatoire et entre dans la vision béatifique de l’éternelle félicité. C’est ce qu’on appelle une indulgence plénière ! N’en privons pas nos défunts ; c’est un acte magnifique de charité, bien plus que des chrysanthèmes – même si je n’ai rien contre – ou des plaques commémoratives, plus utiles aux vivants qu’aux morts.

Entrons dans l’espérance par cette somptueuse et réconfortante fête de la Toussaint, célébration des prémices de l’inextinguible joie de la vie éternelle, dans la communion avec le Vivant, Dieu Saint qui nous aime et qui nous attend !

abbé Philippe-Marie Airaud