Édito de février 2024

Sauvé même sans labeur

Le mois de février nous tourne vers la cité bien-aimée de Lourdes, en la fête de Notre-Dame, puis de sainte Bernadette. Nous nous souvenons que la Vierge Marie, l’Immaculée, invite la jeune fille à la pénitence pour les pécheurs. C’est un encouragement à vivre le carême en un esprit de foi et d’espérance.

Et comme charité ordonnée commence par soi-même, nous allons d’abord faire du bien à nous-mêmes, pécheurs invétérés mais, espérons-le, pas impénitents. Il ne faut jamais désespérer de la miséricorde de Dieu pour nous-mêmes, pas plus que pour les autres. Est-ce si facile de ne pas sombrer dans une forme de routine qui finit par douter d’un progrès possible, d’une nouvelle fraîcheur spirituelle, d’un renouveau qui culbute nos mauvaises habitudes les plus ancrées ?

Chacun saura prendre les moyens proposés par la paroisse ou autres communautés par le biais de sites internet. N’oublions pas que les moyens demeurent des moyens, pas une fin en soi. Les œuvres de pénitence de ce temps de purification veulent avant tout stimuler la vie intérieure, enflammer la charité qui unit au Seigneur. Le succès du carême ne réside pas dans la performance menée jusqu’au bout de l’effort. Beaucoup moins tangible, mais plus pérenne, c’est la croissance dans la sainteté que nous visons, la configuration toujours plus grande au Christ. Alors cherchons le moyen qui va correspondre à notre propre chemin spirituel : cette vertu à exercer qui me fuit en permanence, ce défaut à combattre qui assombrit ma vie et pèse sur les autres.

Nul besoin de grandes performances, mais simplement d’une lutte sans pitié contre le point délicat que je confesse toujours et qui me colle à l’âme, comme le sparadrap au doigt du capitaine Haddock. Méditons sur ce délicieux apophtegme des Pères du désert : « Un frère de Pharan du nom d’Arétas était un peu relâché dans sa vie monastique. Quand il fut sur le point de mourir, quelques-uns des pères étaient assis autour de lui. Et son ancien, le voyant partir du corps avec joie et allégresse, et voulant édifier les frères, lui dit :  »Frère, assurément nous savons tous que tu n’étais pas trop zélé pour l’ascèse ; comment donc t’en vas-tu ainsi avec contentement ? » Le frère lui dit :  »Sûrement, Père, tu dis la vérité. Néanmoins depuis que je suis devenu moine, à ma connaissance, je n’ai jamais jugé un homme, mais sur-le-champ, le jour même, je me suis réconcilié avec lui. Aussi j’ai l’intention de dire à Dieu :  »Tu as dit, ô Maître : Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés, et pardonnez et il vous sera pardonné. » Tous furent édifiés et l’ancien lui dit :  »Paix à toi, mon enfant, car toi tu seras sauvé même sans labeur. » » (Abba 378).

L’apparente désinvolture et la déconcertante facilité dont faisait preuve ce frère ne sauraient cacher la rigueur de son ascèse et l’incendie de charité qui brûlait son cœur. En effet, avant même d’imaginer de grandes choses, des œuvres de charité exceptionnelles, le frère Arétas nous montre le chemin qui s’interdit de juger le prochain, qui excuse tout, chemin qui procède d’une bienveillance à toute épreuve. Avec ce bon moine de l’antiquité, n’oublions pas l’humilité qui ouvre toutes les portes à la grâce et garantit un certificat de qualité à notre carême.

Bonne sainteté à tous, avec la joie d’une communion fervente dans la prière et la charité fraternelle !

Abbé Philippe-Marie Airaud

Prêtre de la Paroisse St Louis de La Roche-sur-Yon En Pays Yonnais